Dépression Magique

Il existe une théorie, mise de l'avant, entre autre, par Anna Freud (la fille de l'autre), qui affirme que, lorsque l'on pratique des gestes altruistes, on le fait intrinsèquement pour des raisons égoïstes, comme le désir de se sentir meilleur, la possibilité de rayonnement social, la réputation honorable.

Dans le même ordre d'idée, le dernier spécial "humoristique" de Bo Burnham, disponible sur Netflix, et intitulé Inside, où il relate, à la manière d'un journal vidéo, sa lente descente dans la dépression, alors qu'il est enfermé dans son appartement claustrophobique et surchargé, durant la pandémie de COVID-19.

J'ai trouvé l'effort prétentieux, moraliste et nombriliste. Divertissant par bouts, mais au final, il me semble avoir passé presque une heure trente (long, pour un spectacle d'humour) à regarder quelqu'un se plaindre, tout en prétendant avoir trouvé LA solution, la véritable voie rédemptrice à suivre pour mener une existence exemplaire. 

Une heure trente à me faire faire la leçon sur l'humilité et l'échec du capitalisme, par un homme de trente ans dont la fortune s'élève à 5 millions de dollars.

Étrangement, même s'il tente par tous le moyens de nous prouver sa modestie dans sa petite maisonnette (sans doute adjacente à sa villa cossue), se questionnant sans cesse sur son existence et sa capacité à demeurer sain d'esprit, il émane néanmoins de cette œuvre comme un sentiment latent de grande importance personnelle de l'auteur. Un peu comme si Mère Teresa (la plus égoïste d'entre toutes) avait décidé de créer un téléthon pour les lépreux, où il n'y avait qu'elle comme animatrice, artiste invitée, présentatrice, chanteuse, jongleuse, cracheuse de feu... et qu'elle attirait constamment l'attention sur elle, sur sa dévotion, son effacement et sa généreuse personne.

Bien sûr, comme dans tout spectacle de Burnham, on nous sert des trouvailles impressionnantes - la marionnette-chaussette néo-marxiste; le commentaire sur la vidéo, qui devient un commentaire sur le commentaire lui-même; la chanson sur les images du compte instagram d'une femme blanche - toutes de bonnes idées qui nous font nous dire :"Wow! Mais où va-t-il chercher tout ça?!"

Cependant, et malgré son immense talent, ces éclairs d'ingéniosité n'en demeurent pas moins de la poudre aux yeux, une tentative maladroite de dissimuler une grande insécurité face au contenu - ou absence de - véritable de l'œuvre. Ils semblent nous dire :"Regardez-moi! Regardez comment je suis spécial et profond!" Mais la fumée se dissipe rapidement.

Bo Burnham omet la règle numéro un (ou deux, je ne suis plus sûr) de la création artistique: transposer la réalité vécue dans un contexte narratif cohérent et divertissant, qui guide le spectateur à travers le fil conducteur du message dramatique.

En négligeant cette règle, il ne nous présente qu'un paquet d'idées éparses, semblant n'avoir pour but que de générer de la pitié pour cette célébrité adulée par des millions de fans.

L'humoriste célèbre n'a pas à se soucier de la provenance de son prochain repas, ni de l'endroit où il dormira ce soir. Il a tout ce qu'il lui faut et ça lui fait peur. C'est la vacuité que provoque la surabondance occidentale, et qui lui permet de se plaindre du système qui lui a permis de se retrouver dans cette même situation d'opulence grotesque.

Comme pour Sam Smith ou Ellen Degeneres, je ne peux empathiser longtemps avec des vedettes qui pleurent sur leur sort, depuis leurs châteaux de 32 pièces, entourés de terrains de tennis, de piscines à débordement et de centaines d'hectares de nature privée, pendant que la majorité d'entre nous survivons dans des 3 et demi mal isolés. 

Shut up and make us laugh, ou bien trouve-toi un autre conduit cathartique qui mettra l'attention sur autre chose que ton petit nombril.

J'ai dit.

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